Correspondance des temps, Aéla Giacomi, la Galerie du Globe, Toulon, 2015
L’exposition fait état d’une rencontre épistolaire. À partir de rédactions retrouvées dans les archives de la bibliothèque du lycée du Parc St Jean à Toulon,
datant approximativement des années 50, j’ai effectué une recherche afin d’en retrouver les auteures. Je souhaitais leur restituer ces documents dans lesquels elles ra- content des souvenirs d’enfance et obtenir le récit de leurs souvenirs actuels.
Qu’est-ce qui a suffisamment marqué ces femmes pour qu’elles s’en rappellent aujourd’hui, 70 ans plus tard, et acceptent d’en témoigner à l’inconnue que je suis, aux curieux que nous sommes ? Sous forme de rédactions épistolaires, nous retraçons ensemble ces souvenirs.
Aela Giacomi, 2015.
Within the returned gaze, Axelle Rossini, le Pressing, la Seyne-Sur-Mer, 2016
Les recherches d’Axelle Rossini ont pour horizon l’analyse des dispositifs qui structurent les conduites des individus en société. Par « dispositif » nous entendons, dans la lignée de Michel Foucault, les discours, institutions, lois etc, ainsi que les relations que ces éléments entretiennent entre eux pour établir « des stratégies de rapports de forces ».
La démarche d’Axelle s’appuie sur l’observation des gestes et des milieux dans lesquels ils sont produits – généralement le monde du sport, du travail et de l’éducation – exploitant ainsi leur qualité d’indicateur social et politique.
A l’occasion de son exposition au Pressing, Axelle Rossini présente « Le héros à l’aile » et « Plateaux ». « Le héros à l’aile » est la vidéo d’une séance de tatouage de l’eau-forte éponyme de Paul Klee, projetée dans un caisson recouvert de deux miroirs. « Plateaux » est une installation qui repose sur la superposition, par le biais de deux miroirs, de deux vidéos montrant les répétitions et filages d’une compagnie de théâtre amateur. Ces œuvres interrogent des types d’action qu’un individu est susceptible d’exercer sur lui-même pour s’adresser au regard de l’autre : le tatouage, et le jeu sur scène.
C’est à cette circulation des regards, analysée par l’historienne de l’art Kaja Silverman, que se réfère le titre de l’exposition. Dans The Threshold of the Visible World, Silverman reprend le postulat lacanien de la pulsion scopique dans la confirmation du soi, qui sous-tend que « être » est en fait « être vu », et ce dans une articulation serrée avec le contexte historique et social qui construit un champ de vision propre à une époque donnée. Ainsi, si nous devenons sujet par le regard de l’autre, ce regard est lui-même modelé par un système structurant.
« Le héros à l’aile » et « Plateaux » ont en commun de faire usage des miroirs. Par-delà l’évocation d’une fonction scopique, ils permettent de fabriquer les images. Le montage se prolonge dans l’espace réel, et génère dans le premier cas une mise en abîme, et dans le deuxième cas une surimpression, qui toutes deux produisent des agencements porteurs d’analyses.
Nous touchons ici au cœur de la démarche d’Axelle Rossini : les procédés techniques permettent de développer le potentiel critique de l’image, mais cela ne peut se faire sans la visibilité de ces mêmes procédés. Ce parti-pris relève d’une éthique de l’image qui, associée à son devenir critique, résonne avec la théorie du théâtre de Bertolt Brecht. Le théâtre épique de Brecht repose sur une lisibilité des moyens scéniques employés et une distanciation des acteurs vis-à-vis de leurs personnages. Principes anti-illusionnistes qui sont autant d’outils nécessaires à la compréhension des mécanismes du pouvoir.
Marie Adjedj, mars 2016